Suite à la victoire en ligue des champions du club de football parisien, les célébrations populaires dans la rue ont été de courte durée puisqu’elles ont été rapidement transformées en affrontements avec la police, débouchant sur des violences importantes, des arrestations et 2 morts.
C’est tout naturellement que les média possédés par les grands groupes monopolistes ont relaté l’histoire avec un traitement unique présentant les jeunes comme des hordes de sauvages, fameux “barbares”, rappelant les époques de la propagande en faveur de l'Algérie française.
Cette opération n’est pas nouvelle : les jeunes sont ciblés, des débats autour de l’ensauvagement de la jeunesse sont organisés, des faits individuels sont transformés en phénomènes sociaux, etc.
Il est important aujourd’hui que les voix s’élèvent contre cette opération psychologique qui vise à isoler chaque jeune, à créer un climat pour faire valider des nouvelles politiques répressives qui vont encaserner un peu plus la jeunesse, pour justifier de l’exploiter toujours plus.
Aujourd’hui, la situation de la jeunesse ne fait qu’empirer.
Dans les études, les jeunes font face à un service public délabré, en proie à des réformes constantes qui le désorganisent et qui le sabotent. C’est une politique consciente des gouvernements successifs, une politique commune à de nombreux services publics : saboter pour justifier la privatisation.
A la clé, une éducation au rabais pour les enfants des couches populaires. Tout ce qui a pu dans une certaine mesure contribuer à un enseignement émancipateur est attaqué au profit de l’enseignement de compétences devant renforcer l’employabilité : c’est-à-dire faire de l’école le lieu de formatage pour l’exploitation capitaliste.
Cela se répercute par du travail non rémunéré qui se généralise par des stages et autres formes d’activité non salariée. L’apprentissage se développe lui aussi à grande vitesse, de telle sorte qu’un nombre de plus en plus important de mineurs sont désormais en emploi. Sous couvert de formation, nous assistons au retour progressif du travail des enfants, de plus en plus jeunes et sans protection. Un fait qui s’écrit désormais avec le sang : la part de jeunes dans les morts au travail, y compris de moins de 18 ans, est en constante augmentation !
Le chômage est lui aussi énorme parmi la jeunesse, première catégorie sociale touchée par la privation d’emploi. Et bien entendu les jeunes sont également soumis à des règles spéciales et à des difficultés supplémentaires.
Alors que beaucoup de jeunes chômeurs n’ont pas pu travailler assez pour ouvrir des droits à l’assurance chômage, ils sont dans la majorité des cas exclus du RSA. A la place les Contrats d’Engagement Jeunes les obligent à du travail non rémunéré sous un prétexte patriarcal “d’accompagnement”, en échange d’une indemnisation de misère !
Et pour ceux qui travaillent, ils sont dans leur immense majorité affectés aux contrats précaires, et confrontés à l’exigence de se taire pour espérer des années durant une amélioration de leur situation. Mais pourtant au fil des années, celle-ci ne fait que se dégrader !
Le mal-logement est si répandu qu’il en est banalisé. Pour les jeunes il est de plus en plus difficile de trouver les ressources pour quitter le domicile familial et mener une vie indépendante. Les marchands de sommeil qui louent des appartements minuscules et insalubres pour des sommes énormes se multiplient. Les bailleurs sociaux sont gangrenés par la corruption, mal entretenus et leur biens servent bien plus des enjeux de tractations électorales clientélistes que d’accomplissement d’un droit au logement digne.
Pire, ils sont souvent l’outil d’une politique de partage néocoloniale qui prend aujourd’hui la direction d’un système d’appartheid. La France, pays colonial, a traité les immigrés de ses anciennes colonies avec une violence toute particulière.
Les enfants de générations d’immigrés sont aujourd’hui nombreux à être enfermés dans ces “cités”, délabrées, conçues pour empêcher de sortir leurs habitants. Il y a quelques décennies, un réseau de services publics pouvait garantir l’accès à quelques services de proximité, mais aujourd’hui, il apparaît clairement que ces endroits sont sciemment transformés en zone de second ordre pour faire de ceux qui y habitent des citoyens de seconde zone.
Ce marqueur “quartier populaire” vient s’ajouter dans toutes les sphères de la vie, pour ne donner l’accès qu’aux emplois les plus précaires, mal payés.
Les transports publics sont systématiquement organisés pour les trajets entre domicile et travail. L’accès aux soins, à la santé, la culture, au sport, aux divertissement publics et peu cher se réduit chaque jour. A la place fleurissent les entreprises commerciales pour lesquelles les services sont remplacés par des offres - pour lesquelles il faut payer.
Dans cette situation il est non seulement légitime, non seulement logique, mais en fait inévitable que la colère populaire se développe, que la jeunesse refuse d’accepter d’être traitée comme des moins que rien.
Forcément, la réponse de notre gouvernement, comme de tous ceux qui l’ont précédé, ne va pas dans le sens de satisfaire les besoins sociaux. Car les serviteurs des Total, CMA-CGM, Carrefour et LVMH n’ont en tête que la maximisation des profits et la pacification sociale, qu’elle se fasse par la propagande ou par la matraque.
C’est pourquoi la seule réponse face à la détresse et la colère de la jeunesse est systématiquement répressive, coercitive, punitive.
Ils multiplient les stands de recrutement pour l’armée, la police devant les écoles, expliquant à la jeunesse que son avenir est dans l’engagement. Mais quel engagement, quand aujourd’hui les grands criminels à la tête de l'État, des monopoles, qui détournent l’argent public, sont révélés coupables de scandales presque chaque semaine et échappent systématiquement à toute condamnation un peu sérieuse ?
Quel engagement quand l’armée française déstabilise des pays entiers et intervient dans leurs affaires au quotidien sous prétexte des droits humains, de la démocratie, et maintenant de la paix elle-même, alors qu’en réalité elle transforme les enfants du peuple en mercenaires de l’impérialisme ?
Alors, comme il est utile de diviser le peuple, comme il est utile de créer une “sous classe” de travailleurs à qui il sera sûrement possible bientôt d’imposer des statuts particuliers dans le travail et le code civil, ces sujets ne sont jamais discutés à fond. A la place on entend les cris de “séparatisme”, “à bas le voile” et il y a quelques semaines “le PSG fait le jeu du Hamas”.
On pourrait rire de cette propagande si grotesque si elle ne fonctionnait pas à force de répétition. Alors il faudrait rappeler que l’Etat français est bien hypocrite d'émettre toute critique envers le Qatar, avec qui il entretient des contrats de vente d’armes très juteux.
Et en réalité si le Hamas est mentionné ici c’est en réaction à la marche de solidarité avec la palestine ainsi que les nombreux tifo déployés par des supporters parisiens, qui ont ainsi démontré que la propagande de guerre déployée pour couvrir le génocide en cours n’a pas pris : c’est là leur honneur.
Alors il s’agit également de s’en prendre à toute forme de lutte organisée, toute forme de dignité, en particulier lorsqu’elle vient du bas de la société, de cette partie même que nos puissants ont voulu rendre muette, divisée, individualiste et prédatrice. Il s’agit comme souvent de répondre par la propagande de la peur aux initiatives de lutte.
Regardez les vitre cassées, le périphérique bloqué, les véhicules qui brûlent, vous y verrez nos justifications pour plus d’ordre, d’emprisonnement et de procès contre les militants, et tant pis si en examinant les choses de près ces gens là n’ont rien à voir les uns avec les autres.
Mais à bien y regarder, c’est l’inverse qui se joue. Ce sont nos bourgeois et leur police, leurs professeurs, leurs éducateurs, gardiens de prison, leurs journalistes qui ont inculqué la violence à la jeunesse. Celle-ci leur rend, avec une ampleur dérisoire comparée à ce qu’elle subit chaque jour.
On pourrait se plaindre que les jeunes n’aient pas pris d’assaut l’Elysée, occupé la banque de France et constitué des conseils de quartier. On pourrait aussi se plaindre de leur absence au sein des manifestations, rassemblements et actions pour la défense des besoins sociaux qui sont complètement les leurs.
En effet, les émeutes sont une forme de protestation : le langage de ceux que personne n’écoute. Est-ce qu’elle permet de gagner ? Non. Est-ce qu’elle est légitime ? Oui.
Plutôt que d’accepter l’éternel dilemme et de condamner les violences, notre effort ne doit avoir qu’une seule direction : organiser une lutte commune, côte à côte, pour la satisfaction des besoins sociaux, une chose qui n’est possible qu’en abattant le régime actuel.
La violence n’est qu’une donnée au sein de ce combat : elle est d’abord celle du pouvoir et de la répression, ensuite seulement celle de la lutte.
Refusons cette propagande, opposons-lui l’unité du peuple, contre toutes les formes de racisme, de fascisme et pour le renversement définitif du système capitaliste !