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Contre-révolution en URSS : 30 après le « grand bond en arrière », le combat continue

Il y a 30 ans, la contre-révolution capitaliste triomphait en URSS. 30 ans après le 25 décembre 1991, la fin du socialisme réel – la plus grave catastrophe que l’Humanité ait connue – résonne encore à travers la planète.

A l’occasion de ce triste anniversaire, et alors que la presse ne parvient pas, malgré toutes ses tentatives, à effacer le souvenir et la réalité historique, nous publions dans nos colonnes la préface rédigée en 1998 par l’immense journaliste communiste Henri Alleg dans son ouvrage « Russie, le grand bond en arrière »

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Dans ce livre, fruit de son voyage en 1997 dans le pays dévasté par le capitalisme, Henri Alleg y relatait « le plus grand hold-up de tous les temps ». L’ancien directeur d’Alger Républicain et célèbre militant communiste algérien, torturé par l’armée française et auteur de « La Question », y taillait en pièce la prophétie de la « fin de l’Histoire » tant prophétisée par les idéologues capitalistes.


Préface du livre « Le grand bond en arrière », par Henri Alleg


« Je n’aurai pas la cruauté d’insister sur l’aveuglément et la suffisance avec lesquels les dirigeants occidentaux (et à leur suite les observateurs journalistes et « spécialistes » de la presse consensuelle) jugeaient de la situation en Russie, au lendemain de l’effondrement de l’URSS. Il faut pourtant s’en souvenir.


Certes, admettaient-ils, la situation n’était guère brillante, mais c’était là l’héritage du système soviétique et la Russie s’en était heureusement débarrassée. Une difficile période de transition commençait mais elle était inévitable et serait bien vite dépassée. […]


Des hommes acquis au libéralisme, au progrès, à la démocratie, ayant définitivement tourné le dos aux perversions communistes assuraient déjà cette marche en avant sous la conduite éclairée de l’homme providentiel Boris Eltsine et avec le soutien actif et désintéressée des bonnes fées du FMI et de la Banque mondiale.


Les impressions et conclusions que je rapportais de mon voyage allaient totalement à l’encontre de ces visions euphoriques. Nulle part je n’avais constaté de « transition » bénéfique vers un système meilleur et supérieur à celui que Mikhaïl Gorbatchev, puis Boris Eltsine et les siens, s’étaient acharnés à détruire sous les applaudissements frénétiques de l’Occident libéral. Nulle part non plus je n’avais entendu de Russes – à l’exception de ceux que la rapine et le pillage du pays avaient enrichis – se réjouir du démembrement de l’ex-Union soviétique et proclamer qu’ils vivaient mieux qu’hier.


Ce dont mes interlocuteurs parlaient, c’était de la catastrophe qui avait frappé leur grand pays, de leurs illusions perdues, de l’humiliation qu’ils ressentaient devant l’arrogance de ministres et de hauts fonctionnaires corrompus et complices de businessmen mafieux devant le spectacle hideux (et jusque là inconnu) de mendiants encombrants les rues, de femmes poussées à la prostitution, de gosses abandonnés, de retraités s’enfonçant dans la misère, de travailleurs aux salaires impayés, de chômeurs chassés de leurs entreprises condamnés à la destruction, de millions de jeunes sans métier, sans travail, et dans l’impossibilité de poursuivre des études. La « transition » dont l’immense majorité des ex-soviétiques étaient témoins et victimes, c’était aussi la baisse effrayante de leur espérance de vie, programmée en quelque sorte par les dispositions nouvelles qui, en supprimant la gratuité des soins médicaux et des médicaments, réservaient aux seuls privilégiés le droit de se soigner.


C’est ce que j’exposais au retour de mon voyage mais, justement, c’était ce qu’il ne fallait pas dire. Il aurait fallu être bien naïf pour ne pas savoir qu’il y a des consensus qu’on ne peut rompre sans risque. Contester la vision quasi officielle d’une nouvelle Russie qui, enfin libre et démocratique, accédait dans la joie au meilleur des mondes possibles, celui du capitalisme, c’était évidemment aller à contre-courant de la « pensée unique » de toutes ses tendances, de droite comme de gauche. Et celles-ci étaient si unanimes à célébrer les vertus du renouveau russe et les mérites de Boris Eltsine, qu’il ne se trouva pas un seul homme politique en France pour s’indigner du bombardement du Parlement russe exécuté sur ses ordres et du massacre de plusieurs centaines de manifestants venus apporter leur soutien aux députés. Bien au contraire, de Paris, Londres et Washington, fusèrent vers lui les messages dithyrambiques des chefs d’Etat et de gouvernements qui l’assuraient de leur indéfectible soutien, louaient son « courage » et le félicitaient d’avoir si brillamment sauvé la « jeune démocratie russe ». Alléluia !


Une opacité voulue a ainsi été entretenue pour empêcher le public de comprendre réellement ce qui se passait en Russie, de connaitre l’opinion de ses simples citoyens sur la fin si brutale du régime surgi de la Révolution d’Octobre et sur la mortelle « thérapie » imposée au pays par ceux qui prétendaient vouloir le guérir de ses maux. Il était entendu (quand on en faisait état) que la protestation contre la marche forcée du capitalisme ne pouvait être le fait que d’une ignorante et inconsciente minorité. Quelques groupes d’attardés, vieillards cacochymes, bardés de médailles et brandissant des portraits de Staline sur la Place Rouge, de « dinosaures » survivants d’un passé révolu et condamné comme l’était depuis toujours « l’utopie révolutionnaire » elle-même.


Il n’aura finalement fallu qu’un temps relativement court pour rendre caducs tous ces clichés et pour que nos spécialistes commencent à user d’un autre langage. Ils sont moins surs aujourd’hui d’un avenir radieux pour le monde capitaliste. Est-ce la menace devenue très perceptible d’une nouvelle crise économique universelle ? Moins surs aussi que le communisme ait été définitivement enterré puisque son « spectre » apparemment mal exorcisé, recommence à « hanter » le monde.


Un jour arrive où les silences, les omissions, les fausses vérités et les simples mensonges ne résistent plus à la réalité des faits. Ceux-ci, comme chacun sait, sont « têtus ». Comme dit le proverbe arabe, « on ne peut cacher le soleil avec un tamis ». La vérité est là aujourd’hui. Aveuglante. Plus effrayante encore que celle que je décrivais en 1997. Eltsine et les siens, avec l’« aide » de leurs « alliés » occidentaux ont conduit le pays à la ruine, à la misère généralisée, et jusqu’au bord du chaos. […]


Personne aujourd’hui n’oserait plus parler sérieusement des hauts faits du « grand démocrate » Eltsine dont le règne honteux se termine. Personne n’oserait plus proclamer que les communistes n‘ont plus d’avenir sérieux politique en Russie.


Aucun observateur sérieux ne s’aventurera à prédire de quoi demain sera fait. Une chose pourtant parait évidente : le peuple russe, porteur du magnifique idéal d’une société socialiste, fraternelle, solidaire et libre – le peuple d’Octobre 17 et de Stalingrad- n’a pas enterré ses espérances. Il n’a pas dit son dernier mot. »

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